21.6.2019 Journée d’étude RESISTIC

Contournements des frontières numériques : ruses et résistances face aux nouvelles contraintes du cyberespace post-soviétique

L’Internet dans l’espace post-soviétique a été longtemps vécu et pensé comme une “zone de semi-liberté d’expression”, un espace de “contre-autoritarisme”, où l’opinion critique pouvait exister dans une relative liberté. En effet, le contexte socio-économique spécifique des années 1990, ainsi que l’héritage de l’enseignement soviétique ont contribué à créer des conditions favorables pour plusieurs générations d’informaticiens, fournisseurs d’accès Internet, hébergeurs, journalistes et autres professionnels du web qui ont pu co-construire l’Internet post-soviétique comme un espace où le gouvernement n’avait, pendant longtemps, que très peu d’influence. Avec des milliers de fournisseurs d’accès, une topologie décentralisée et de nombreux partenariats avec les acteurs occidentaux, l’Internet post-soviétique, surtout en Russie et en Ukraine, a longtemps été un défi pour les régulateurs.

Or, depuis le début des années 2010 on observe un tournant vers les “infrastructures souveraines”, qui se caractérise par des changements du cadre légal, introduisant des mesures techniques, économiques, juridiques, telles que la censure des sites web ou la surveillance automatisée du trafic. Une vision d’un “Internet souverain”, dont les frontières seraient superposées à celles de l’État, est activement discutée et progressivement mise en application par les régulateurs russes, notamment avec le projet récent d’un “RuNet autonome”, mais aussi à travers le blocage de services étrangers importants (comme les services cloud Amazon ou Google), et la loi sur la “relocalisation” des données. En réponse à la guerre avec la Russie, depuis 2017, l’Ukraine tente également d’introduire des changements dans la gouvernance d’Internet menant à une centralisation et une “nationalisation” de l’Internet ukrainien, entre autres, à travers le blocage des services russes. Toutes ces mesures impliquent des intermédiaires, notamment les fournisseurs d’accès, les hébergeurs de sites web, les réseaux sociaux, les médias et les moteurs de recherche qui co-construisent désormais, par le biais de solutions technologiques coûteuses, la censure et la surveillance du trafic et des contenus Internet.

Cependant, en réponse à ces nouvelles pratiques de contrôle, des résistances et des contournements sont développées par différentes communautés – des professionnels du web aux utilisateurs. Des “ruses” technologiques mises en place par les fournisseurs d’accès ou par les hébergeurs, aux bricolages juridiques portés par des associations des professionnels du web ; des pratiques adoptées au quotidien par les usagers (qui deviennent de plus en plus “experts” du contournement) aux mobilisations plus ou moins institutionnalisées et visibles hors ligne ; mais aussi bien évidemment des projets d’“Internets alternatifs”, de nouveaux protocoles et nouveaux outils qui échappent pour le moment au contrôle gouvernemental.

Cette journée d’étude interdisciplinaire ResisTIC vise à réunir les professionnels du web russes, ukrainiens et français, et des chercheurs venant d’horizons disciplinaires différents – de la sociologie des sciences et techniques et sociologie politique au droit, économie, métrologie des réseaux, sciences de l’ingénieur – afin de mettre en commun les observations, analyses et expériences de ces nouvelles pratiques de résistance, ruse et contournement des frontières numériques.

Organisation

  • Olga Bronnikova (MCF, ILCEA 4, U. Grenoble-Alpes)
  • Françoise Daucé (DE, CERCEC, EHESS)
  • Fabrice Demarthon (IE, CERCEC)
  • Ksenia Ermoshina (Post-doctorante, CIS-CNRS)
  • Valery Kossov (MCF, ILCEA4, U. Grenoble-Alpes)
  • Benjamin Lovelück (MCF, Telecom Paris Tech)
  • Francesca Musiani (CR, CIS-CNRS)
  • Bella Ostromooukhova (MCF, U. Paris-Sorbonne)
  • Perrine Poupin (Post-doctorante, Telecom Paris Tech)
  • Anna Zaytseva (MCF, U. Toulouse 2 Jean Jaurès)