Séminaire Nouvelles technologies et justice

Ce séminaire est organisé par Yannick Gabuthy, professeur en économie à l’Université de Lorraine, chercheur au Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA UMR 7522) et Amélie Favreau, maître de conférences HDR en droit privé à l’Université Grenoble Alpes, chercheuse au Centre de recherches juridiques (CRJ EA 1965), dans le cadre du groupe de travail Nouvelles technologies et justice du GDR Internet, IA et Société. Les séances se déroulent en visioconférence et sont accessibles sur inscription.

2022/23

25 mai 2023 – 12h30 à 14h
Iony Randrianirina (Centre de recherches juridiques, Université Grenoble Alpes), « Les enjeux et les opportunités juridiques de l’activité judiciaire dans les métavers »
Le premier procès virtuel dans un métavers a été tenue par un tribunal colombien le 15 février 2023. Pour cela, le tribunal administratif a utilisé la plateforme Horizon Workrooms de Meta et a retransmis le déroulement de l’audience sur YouTube. Un juge brésilien a également proposé une séance de conciliation dans un métavers. Le 26 mars 2022, l’université d’Ottawa avait organisé un concours de plaidoirie dans le métavers JusTechnorth, et le 23 septembre 2022, en Chine, un procès relatif à un accident de la circulation a été reconstitué dans un métavers. Parallèlement à cet engouement pour les procès tenus en réalité virtuelle ou en réalité augmentée, plusieurs avocats ont créé des cabinets de consultation dans des métavers. Ainsi, en 2022, le cabinet d’avocats allemand Gleiss Lutz a ouvert le premier cabinet d’avocats virtuel sur Decentraland. Si les métavers offrent de réelles opportunités aux juridictions pour y tenir de vraies audiences, ces initiatives se justifient-elles légalement ? À l’heure où la loi est encore muette sur ces questions, il s’avère utile d’identifier les risques juridiques de l’usage de ces technologies nouvelles liées au web 3.0. Quels sont les opportunités et les enjeux juridiques qui se profilent à l’aune de l’exercice de l’activité judiciaire dans les métavers ? Des interrogations et des propositions pourront être discutées à l’occasion de ce séminaire.

18 avril 2023 – 12h30 à 14h
Pierre-Henri Morand (Université d’Avignon), « Outils de détection automatique de la corruption dans les marchés publics, les promesses de l’IA et des données ouvertes »
En 2023, le Portugal sera le premier pays à se doter d’un outil d’intelligence artificiel pour détecter, dans les marchés publics « les contrats favorisant les mêmes entreprises, les coûts excessifs et les conflits d’intérêts ». Cette initiative témoigne de la mise en application effective d’un champs de recherche resté jusque là théorique, à la frontière des sciences économiques et de l’informatique, et qui vise à produire des outils dits de red flagging appliqués aux données de la commande publique.
Nous présenterons les enjeux, les méthodes d’intelligence artificielle mobilisées et les limites de ces dernières, notamment au regard de la qualité des données (des décisions de justice et des marchés publics) qu’elles mobilisent. Un focus particulier sera fait sur le potentiel des méthodes basées sur la détection d’anomalie dans des graphes décrivant les relations entre acheteur et fournisseurs des marchés publics français, qui constitue le coeur des recherches menées dans le cadre de l’ANR DeCoMaP (détecter la corruption dans les marchés publics).

14 mars 2023 – 12h30 à 14h
Vincent Rivollier (Centre Max Weber, CNRS et Centre Antoine Favre, Université Savoie Mont Blanc), « L’aventure datajust : histoire d’un échec »
Ce séminaire a pour but de retracer l’aventure du projet Datajust entre le décret de mars 2020, mettant en place les conditions réglementaires de réalisation du projet, et l’abandon du projet deux ans plus tard. Ce projet porté par le ministère de Justice consistait en l’analyse d’un corpus exhaustif des arrêts de cours d’appel administratives et cours d’appel judiciaires (formations civiles) indemnisant les conséquences d’un dommage corporel ; cette analyse a été réalisée à l’aide d’une grille d’analyse relativement détaillée, avec l’aide d’outils de traitement automatisé du langage. Les finalités de l’analyse n’ont jamais été d’une totale clarté, mais le ministère imaginait notamment élaborer un « référentiel indicatif d’indemnisation des préjudices corporels ».
À l’occasion de ce séminaire, nous replacerons le projet dans le contexte qui lui a permis de voir le jour, au croisement entre une volonté d’intervention publique quant aux outils d’aide à la décision en matière de dommage corporel et l’attraction – voire la fascination – du numérique et de l’open data des décisions de justice. Le ministère a certainement fait preuve d’optimisme voire d’idéalisme dans la manière dont il a mené le projet. L’échec était toutefois inéluctable : les difficultés techniques et les résistances corporatistes sont les motifs avancés par le ministère ; au-delà, cela traduit surtout un désengagement du ministère sur les questions numériques, l’intervention publique se limitant à la mise à disposition de données et à l’encouragement des initiatives privées.

9 février 2023 – 12h30 à 14h
Paul Belleflamme, professeur d’économie à l’Université catholique de Louvain, « Plateformes digitales : cerbères, trouble-fête ou victimes »
Spécialiste des questions relatives à la politique de la concurrence et à la régulation des plateformes, Paul Belleflamme a publié The Economics of Platforms. Concepts and Strategy (avec Martin Peitz, 2021, Cambridge University Press).

6.12.2022 – 12h30 à 14h
Alya Hafsaoui et Romain Rambaud, « Justice algorithmique des élections »
Dans un premier temps, nous présenterons le projet JADE. Le projet interdisciplinaire « Justice algorithmique des élections » (JADE), porté par le Centre de recherches juridiques (CRJ), le Laboratoire Jean Kuntzmann (LJK), le laboratoire d’informatique de Grenoble (LIG), avec le soutien de PACTE et de la chaire de société algorithmique du MIAI (Multidisciplinary Institute in Artificial intelligence), a pour objet d’utiliser des méthodes de mathématiques appliquées et d’IA à un objet juridique pour lequel elles n’ont jamais été utilisées et présentent un intérêt particulier, le contentieux des élections politiques. Il est élaboré en collaboration avec des informaticiens et des statisticiens de l’UGA. Son objet est de déterminer s’il est possible et comment de mettre en œuvre des dispositifs d’intelligence artificielle permettant de systématiser les raisonnements du juge en contentieux électoral afin de créer des systèmes d’aide à la décision du juge électoral (tribunaux administratifs, Conseil d’État, Conseil constitutionnel). Nous ferons état de notre avancement et de nos méthodes à ce stade.

17.11.2022 – 12h30 à 14h
Bruno Deffains, « Contrat social et numérique »

20.10.2022 – 13h à 14h30
Marianna Riabova, “Supply chain dispute resolution”

2021/22

2.3.2022 – 12h à 13h30
« Justice par la blockchain » avec la participation de :

  • Katrin Becker, Plateformes de règlement de litiges décentralisées : vers une justice plus juste ?
  • Thierry Ménissier, Une intelligence artificielle pour la Justice ? Institutions sociotechniques et autorité des machines
  • Jean Lassègue, Le droit automatisé et le problème de la délibération collective
  • Et Amélie Favreau, (animatrice), « Justice distribuée par une blockchain » et procédure civile

Cette présentation fait suite à la publication d’un dossier intitulé « Justice par la blockchain », Dalloz IP/IT, no 1, janvier 2022.

Résumé

S’il y a moins de cinq ans, la blockchain était encore méconnue en droit, elle est progressivement devenue un élément clé des discussions sur l’avenir du droit et de la justice. Alors que certains y voient un outil de substitution, voire de disparition de leurs activités,d’autres considèrent la blockchain comme une innovation technologique dont il faut se saisir pour améliorer le fonctionnement de la justice, par exemple. Non seulement avec les smart contracts, mais encore plus spécifiquement avec la création, poursuivie depuis peu, des applications spécifiques de résolution de conflit basée sur la blockchain, cette technologie décentralisée touche directement au cœur des activités du droit et de la justice traditionnelles. Les contributions suivantes tentent de fournir une première analyse pour comprendre comment la blockchain pourrait agir sur ces différentes activités du droit et de la justice.

7.12.2021 – 12h à 13h30
Vincent Teixeira, “Lawyer Decision under Ambiguity and Predictive Justice”

EN. Going to the court is always a tough decision to take. Indeed, you never know your probabilities to win, the time it will required and how much you will win or spend. Predictive justice is an A.I. tool that uses big data to bring information to lawyers and litigants about their probabilities to win and the potential rewards. This objective information should reduce the difficulty to make the ambiguous decision of going to the court or not. We want to analyze the impact of predictive justice in two different experimental settings. Seeing judicial decision as a decision under natural ambiguity, we test the effect of objective information on attitudes as well as its subjective value for subjects. Then, in a more contextual design, we want to measure how predictive justice increases alternative dispute resolution mechanism, and then reduce court congestion. Both studies will bring new evidence on how predictive justice might change the judicial decision paradigm.

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