Le projet ANR ResisTIC, qui a débuté en janvier 2018, s’est terminé en décembre 2022.
La Russie constitue un espace de haute tension entre les libertés numériques globalisées et les politiques d’encadrement national d’Internet officiellement justifiées par des motifs de sécurité sur les réseaux numériques. Depuis le début des années 2000, le pays connaît en effet le développement conjoint d’un web non filtré et le renforcement d’un autoritarisme défavorable aux libertés publiques. Outre l’évolution intérieure, l’État russe est souvent accusé de piratage à l’encontre des organisations internationales, d’orchestrer des cyber-attaques contre les gouvernements et de perturber les processus électoraux dans les pays étrangers. En 2018, année d’élections présidentielles en Russie, ces tensions sont susceptibles de se durcir plus encore. Dans ce contexte, le présent projet a pour objet d’analyser les résistances et les adaptations des internautes russes aux nouvelles régulations nationales du web. La Russie apparaît en effet comme un « laboratoire des résistances numériques » susceptibles de se diffuser au-delà de ses frontières. Au regard des travaux existants, ce projet innovera par une enquête inédite sur les résistances en ligne en Russie qui permettra de mettre au jour des pratiques sociales et des techniques de contournement des contraintes numériques peu connues. Il a l’ambition de contribuer, au-delà du cas russe, aux réflexions sur les reconfigurations du politique à l’épreuve des techniques de la communication dans le monde contemporain.

Partenaires
i3, Télécom Paris, Université Paris-Saclay
Centre Internet et Société (CIS), CNRS
ILCEA4, Université Grenoble Alpes
Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC), CNRS, EHESS
Eur’Orbem, Sorbonne Université
Le projet est coordonné par Françoise Daucé, directrice d’études à l’EHESS, chercheuse au CERCEC. Au CIS, Francesca Musiani et Ksenia Ermoshina participent à ce projet et coordonnent l’axe 1 sur les luttes expertes pour les libertés en ligne.
Le projet est organisé autour de trois grandes thématiques complémentaires.
- La première est consacrée à l’étude des résistances et aux arts du contournement des professionnels du web (hackers, fournisseurs d’accès, ingénieurs, experts…) face aux nouvelles régulations juridiques et techniques de l’Internet sur le territoire russe. Il examinera les innovations techniques et les usages hétérodoxes du web permettant de contourner ou de lutter contre les contraintes institutionnelles.
- La deuxième analysera l’appropriation des outils de contournements, leur usage et leur promotion par les « professionnels de l’espace public » (journalistes, éditeurs, entrepreneurs du numérique). Il examinera comment ces acteurs s’emparent des dispositifs de contournement sur le web pour trouver des compromis originaux, permettant de résister à la contrainte tout en restant présents et actifs dans l’espace public.
- La troisième thématique portera sur les stratégies d’échappement par l’exil aux nouvelles coercitions en ligne. Elle portera sur les stratégies des professionnels du web (hackers) et de l’espace public (journalistes et éditeurs notamment) choisissant de quitter le pays pour développer des pratiques numériques depuis l’étranger ainsi que sur la migration des infrastructures du net (délocalisation des serveurs par exemple).
Un séminaire, consacré à l’analyse des pratiques résistantes face aux dispositifs croissants et complexes de contrôle des activités en ligne, portées tant par des acteurs privés que publics, a été organisé par l’équipe du projet de janvier 2019 à juin 2021.
La réflexion porte sur les arts du contournement et du détournement des professionnels du web (hackers, fournisseurs d’accès, ingénieurs, experts…) face aux nouvelles régulations juridiques et aménagements techniques visant à surveiller ou à contraindre les usages d’internet. Elle analyse l’appropriation et la circulation des outils, des pratiques et des savoir-faire de contournements, ainsi que leur usage et leur promotion par les « professionnels de l’espace public » (journalistes, éditeurs, associations, entrepreneurs urbains). Elle étudie enfin les stratégies d’échappement par l’exil aux nouvelles coercitions en ligne. À partir de l’exemple emblématique de la Russie, espace de tensions fortes entre les libertés numériques globalisées et les politiques d’encadrement national d’Internet officiellement justifiées par des motifs de sécurité sur les réseaux numériques, la réflexion est menée dans un esprit comparatif et pluridisciplinaire. Au-delà du cas russe, le séminaire a l’ambition de contribuer aux débats sur les reconfigurations du politique à l’épreuve des technologies numériques dans le monde contemporain.