6.12.2022 Lilyana V. Petrova et Sylvain Reynal

Le séminaire IA, art et créativité reçoit Lilyana V. Petrova et Sylvain Reynal, artistes-chercheur·euses (ETIS – CNRS/ENSEA/CY Univ.), le 6 décembre 2022, de 15h à 16h30, en format hybride (en présentiel en salle 255 au 59-61 rue Pouchet à Paris et sur Zoom).

Crédit image : ParcoursCommobile, Lilyana V. Petrova, œuvre sous licence CC BY 3.0

Intelligence interstitielle : entre IA et création, l’interstice comme modalité de la recherche

La question de l’artifice habite l’art depuis la nuit des temps. L’artifice est l’habileté de naviguer au sein du réel par le déguisement et la tromperie, ce procédé d’imitation inventé pour créer l’illusion de la réalité. Or c’est ce même terme qui a été choisi pour parler de l’intelligence computationnelle, qui trace le portrait de la réalité, par accumulation, ordonnance, calcul et approximation. Paradoxe de notre pensée contemporaine, avec l’IA l’artifice est devenu pour la science une manière de mieux (pré)voir et pour l’art, une manière de (re)voir son antonyme : le réel. Partant, nous proposons de penser l’IA à travers ses deux versants : l’acte scientifique et l’acte créatif.

  • À quel endroit se situe la qualité scientifique de l’IA ? L’accumulation d’une donnée dénudée de contexte, de corps et d’affects peut-elle représenter un phénomène et soutenir la construction de modèles, de prédictions, de simulations ? Toujours dans ce décalage entre artifice et sincérité, que se passerait-il si la démarche scientifique empruntait la voie médiane : une ligne de jonction, de rencontre, de dépassement du vide ; un interligne qui remplit sa fonction sémantique et qui trace une lame de sens pour la recherche ?
  • À quel endroit se situe la qualité créative de l’IA ? À l’aune de sa capacité à produire une œuvre qui ne puisse être distinguée d’une production humaine, dans une forme de généralisation du test de Turing qui, en somme, dirait la vérité sur la valeur de l’art ? Face à une telle « métrique » dont le destin pourrait bien être d’uniformiser par passage à l’échelle la production artistique en protocolisant l’acte créatif, qu’advient-il de la responsabilité de l’un pour l’autre, du « chemin vers l’autre »1 dont se soutiennent la poésie et l’art ?

Nous nous proposons ici d’interroger l’articulation entre IA et créativité en l’envisageant depuis la perspective topologique d’un cheminement interstitiel : un cheminement dans un espace qui se glisse ou s’intercale à l’intérieur d’autre chose – en l’occurrence un espace de modèles statistiques – ouvre une ligne de frontière, de fracture ou de déchirement, une ligne de trouble qui porte en elle une historicité dont nous faisons l’hypothèse qu’elle fonde l’acte créatif. À travers plusieurs exemples de projets de recherches, de recherche-création et d’œuvres d’art, nous proposerons l’hypothèse d’une intelligence interstitielle comme modalité pour la création et pour la recherche.

Crédit image : Sylvain Reynal

1 Byung-Chul Han, L’expulsion de l’autre. Société, perception et communication contemporaines, trad. par Olivier Mannoni, Paris, PUF, 2020.